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La ségrégation scolaire, Pierre Merle

dimanche 30 septembre 2012, par Greg

L’ouvrage de ce sociologue de l’éducation vise à décortiquer les facettes de la ségrégation scolaire, une ségrégation d’autant plus lourde qu’il y a une unanimité affichée (et si évidemment hypocrite) à vouloir la combattre. L’ouvrage s’appuie sur des sources statistiques fouillées.

Après avoir retracé le grand changement du rapport au diplôme – hier une garantie car il y avait peu de diplômés, aujourd’hui de la monnaie inflationniste en perpétuelle dévaluation - , l’auteur met en lien cette obsolescence des diplômes et l’accroissement de la concurrence entre établissements, de la compétition entre individus, et donc par exemple du soutien scolaire mais aussi de la montée (et de la transformation) du privé.

L’école privée est précisément l’un de ses sujets d’étude – sans doute le chapitre le plus convaincant. En scolarisant plus d’un cinquième de la population scolaire, l’enseignement privé ne participe pas tant à la sphère d’influence du catholicisme qu’il n’est devenu l’école-refuge des classes aisées. Au cours de ce processus, il s’embourgeoise de plus en plus, la « ghettoïsation par le haut » qu’il installe , étudiées à la loupe à l’aide d’exemples locaux, répondant à la « ghettoïsation par le bas » de l’école publique. On note avec intérêt que la Finlande n’a quasiment pas d’écoles privées...

Une bonne partie est consacrée à l’éducation prioritaire. Pierre Merle reprend d’abord le reproche consistant à dire que la différenciation positive est déjà une mise à l’écart, qu’elle « s’insère dans ce mouvement qui a fait passer du « collège pour tous » à un problématique « collège pour chacun »(à discuter) ; puis il examine concrètement les grands axes de la mise en oeuvre de l’éducation prioritaire. On peut retenir l’idée que les ressources supplémentaires ne sont pas suffisantes pour qu’on puisse en mesure les effets. L’auteur est partisan d’ « aides substantielles » mais aussi de la fin de l’étiquetage « éducation prioritaire », au motif que c’est une occasion de fuite des parents moyens ou aisés (également discutable).

Le dernier chapitre, sur la carte scolaire, fait l’historique de sa construction et de son détricotage. Il montre l’écart entre les proclamations démagogiques et la réalité, mais la nocivité de cette tendance à la démolition, même si elle est freinée par la réalité, est indéniable. Il termine sur d’éclairantes données internationales : les quatre premiers pays dans le classement PISA ont une carte scolaire sans dérogation ou avec des dérogations très limitées...
Ce petit ouvrage, lisible et dense, est souvent une confirmation, une entrée en débat quelquefois.

Pierre Merle, La ségrégation scolaire, La Découverte, collection Repères, 2012