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Rencontre avec l’équipe de TRACeS de ChanGements

mardi 13 mars 2012, par Greg

ChanGements pour l’égalité est un mouvement sociopédagogique belge qui vise à l’amélioration
de la qualité de l’enseignement et de la formation dans une perspective d’égalité et de justice sociale.

Écrit collectif,
par l’équipe de TRACes

Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ?

En dépit de la démocratisation de l’enseignement, les possibilités scolaires des élèves sont toujours inégalement réparties suivant leur milieu social d’origine. L’école, un des piliers de la production/reproduction de la société, porte une lourde responsabilité dans la permanence de cette situation. CGé propose une analyse des mécanismes scolaires et sociaux qui produisent ces inégalités afin de les dénoncer, de lutter contre elles et de proposer des changements. CGé est un lieu de rencontre, d’interpellation et d’engagement. Sa particularité est de mettre en évidence qu’une pratique pédagogique va toujours de pair avec une vision politique.

Le mouvement a quarante ans. Son champ d’action a évidemment évolué depuis ses origines. Porteur à la base d’un souci de défense de la profession enseignante, il s’est progressivement recentré sur un travail de réflexion et d’action plus pédagogique, avec en point de mire la réussite de tous. Face au recul de l’égalité et à l’approfondissement des écarts entre privilégiés et groupes sociaux dominés, le mouvement s’est radicalisé et son virage politique est marqué par la nécessité de « choisir son camp » dans une société qui essaie de noyer les inégalités et leurs causes dans un discours respirant les bonnes intentions.

Le travail dans le mouvement est hautement collectif et prend pied dans différentes équipes formées de membres permanents (au nombre de huit) et de membres volontaires (une cinquantaine).
L’équipe TRACeS de ChanGements produit la revue du mouvement.
L’équipe RPé, pour Rencontres Pédagogiques d’été, propose aux acteurs de l’éducation des ateliers qui visent des pratiques pédagogiques démocratiques et émancipatrices.

L’équipe Politique est chargée d’observer de manière critique les politiques éducatives, de faire entendre la voix du mouvement au niveau des décideurs et de réagir à l’actualité dans les médias.
L’équipe Formation propose tout au long de l’année des formations centrées sur les apprentissages, la gestion de la classe, la pédagogie interculturelle, les relations famille-école et école-société, le travail collectif…

L’équipe PI, pour Pédagogie Institutionnelle, est composée de personnes qui ont déjà participé à des stages de PI. Elle diffuse et promeut la pédagogie institutionnelle par des formations, des écrits et des échanges de pratiques.

L’équipe Gestion est chargée de garantir l’équilibre financier et la gestion administrative du mouvement.

CGé réunit aussi des groupes de travail autour des études, d’échanges de pratiques et des actions en réseau avec d’autres associations.

Notre revue

TRACeS de ChanGements est donc un journal militant. Il s’adresse à un large public de professionnels de l’école, autour de l’école et du secteur associatif. Il s’agit d’une revue pour praticiens généralistes beaucoup plus que d’une revue pour spécialistes théoriciens. À nos yeux, ce qui se vit et se travaille à l’école maternelle et primaire est d’un grand intérêt pour les professionnels de l’enseignement secondaire et supérieur, et vice versa. Nous croyons aux croisements de regards, aux rencontre batardes…

Nous essayons d’éviter les recettes toutes faites, les vérités bien établies, les « voilà comme il faut faire ou penser ». Les hésitations, les faux pas, les questions ou hypothèses qui traversent le travail de chacun sont souvent bien plus utiles au lecteur qu’un produit fini et tout ficelé.

Cinq fois par an, notre revue présente des dossiers sur des thèmes liés à l’éducation, aux apprentissages et à la justice sociale. On y trouve des récits de pratiques, des témoignages, des démarches d’apprentissage, mais aussi des analyses politiques et sociologiques en matière d’éducation au sens large.

La revue a aussi ses rubriques hors dossiers :

• Démarche : une démarche est le récit d’un apprentissage dans un groupe (classe, groupe d’école de devoirs, adultes en formation). Il peut s’agir d’un apprentissage de type « savoir constitué », de type méthode, de type socialisation et aussi, de ces différents types mélangés. Faire le récit d’une démarche, c’est comme dire comment on fait cours. Il s’agit de prendre en compte les sens premiers de ce mot « démarche » c’est-à-dire façon de marcher, chemin pris, trajet, manière de progresser, de faire itinéraire, le tout selon l’initiative de l’enseignant, du formateur qui peut expliciter ce qu’il fait avec les apprenants, mais aussi comment et pourquoi.

• Saga : nous voulons laisser de la place au récit de pratiques, d’histoires, de projets étendus dans le temps. La rubrique Saga nous emmène sur plusieurs numéros à la découverte de ces expériences et de leurs acteurs.

• Impolitique : nous sommes parfois sidérés des déclarations, des décisions, des projets politiques qui ont un impact sur le monde de l’enseignement et/ou le monde associatif. Réagir, il le faut. C’est l’objet de cette rubrique rédigée par le comité politique ou des membres du mouvement qui assurent une vigilance indispensable et impolie.

• Pigeons : quand certains se retrouvent pigeons « à l’insu de leur plein gré », nous sommes fâchés. Mais être fâchés, ça ne nous suffit pas. Alors nous écrivons des textes toutes griffes dehors pour décrire « l’état du pigeonnier » (ce qui fâche) et « les attentes des convoyeurs » (ce qu’il faut bousculer pour que ça change).

• Ouverture : nous désirons parfois publier des textes qui n’entrent ni dans le thème d’un dossier, ni dans l’esprit d’une rubrique. Comme son nom le dit, cette rubrique est une porte dans le journal, destinée à accueillir l’imprévu, l’inclassable, le non convenu.

Écrire et faire écrire

Notre revue a pour but de faire circuler idées et pratiques de terrain en lien avec notre objectif : faire reculer l’échec scolaire là où il est le plus criant, à savoir chez les enfants et les jeunes issus des milieux populaires. Mais il n’est guère facile, ni confortable, de se rendre compte que, par son travail dans l’école et les classes, chacun peut participer à la reproduction des inégalités sociales. La domination culturelle dans l’école est insidieuse et extrêmement difficile à combattre. Elle se cache souvent sous les meilleures intentions. Si une société reproduit systématiquement les inégalités qui la caractérisent, c’est que trop peu de ses membres sont persuadés qu’il faut renverser les hiérarchies et donner plus de pouvoirs à ceux qui en sont privés, ou qui sont carrément exclus de l’ordre social dominant.
L’enseignant qui en prend conscience ne peut remonter seul le courant ; beaucoup s’y perdent corps et âme. C’est pourquoi se mettre en mouvement, afin de faire des choix ensemble, construire collectivement réflexions et pratiques alternatives, est une urgence pour notre société.

Pour être vivantes, nos grandes options idéologiques doivent s’incarner dans les classes. Rien n’est moins simple, mais le partage et la confrontation d’expériences nous semble la voie à la fois modeste et royale pour y parvenir. Ce partage donne à voir des acteurs éducatifs qui, au jour le jour, scrutent leurs pratiques, écoutent les élèves derrière leurs paroles et leurs comportements, travaillent les fiertés et le désir d’apprendre, interrogent les savoirs, intègrent différentes conceptions du monde, travaillent les questions de pouvoir et de démocratie… TRACeS de ChanGements est un des lieux de partages et de confrontations parmi ceux que notre mouvement désire offrir à ceux qui désirent s’engager. Par ailleurs, l’écriture est, pour celui qui s’y mouille, un moyen de transformation personnelle avant d’être une proposition de changement pour les autres.

La solidité de la revue réside dans l’engagement de chacun d’entre nous et dans la force du travail collectif. Comme dans les autres équipes du mouvement, les avancées de chacun se font sur le modèle du compagnonnage selon lequel les plus anciens épaulent les nouveaux. Chaque production est prise en compte, valorisée et « tirée vers le haut » grâce à une lecture commune : c’est en travaillant qu’on apprend à travailler.

Comment travaille le comité ?

Le comité de rédaction est composé de volontaires, appelés aussi militants et, entre nous, camarades et de deux permanentes (salariées). L’une d’elle est responsable de la revue (secrétaire de rédaction) et s’occupe aussi des illustrations, de la couverture, du sommaire, des pages « outils ». L’autre s’occupe de la promotion. La mise en page est assurée par un autre permanent, qui ne fait pas partie de l’équipe mais est responsable informatique de CGé. L’éditeur responsable est la secrétaire générale du mouvement. Un des membres de Traces est membre du CA, comme c’est le cas dans les autres équipes. Cela permet de faire lien avec le mouvement et de respecter l’indépendance de travail de chaque équipe.

Fin du mois d’août, une journée de travail est destinée à l’évaluation de l’année écoulée et la programmation des numéros futurs. À partir des suggestions des membres du comité présents, on suit un processus de vote en deux tours, avec un système de points à accorder, pour décider des dossiers des numéros à venir. On veille à maintenir un équilibre entre les numéros (disciplines scolaires, problématiques plus transversales, questions sociologiques ou dossiers politiques). Chaque numéro est porté par deux ou trois membres de l’équipe (les porteurs) chargés d’établir un projet rédactionnel du numéro, en accord avec le projet rédactionnel de Traces, et puis de récolter des articles pour le dossier. Les articles sont écrits par des membres du comité et des collaborateurs de Cgé et hors Cgé, non payés. Ils viennent de l’école, tout niveaux et réseaux confondus, ou de l’extérieur, du monde associatif.

Chaque numéro est l’objet d’une réunion où les textes, à l’aveugle (sans le nom de l’auteur), sont moulinés (critiqués) par les membres du comité, acceptés tel quel, à retravailler, refusés,… Aux porteurs de colporter les nouvelles à chaque auteur et de suivre le travail de réécriture en cohérence avec les débats qui ont eu lieu pendant le CR. Les auteurs qui écrivent pour la première fois sont soutenus de manière plus spécifique par l’un ou l’autre membre du comité.
Un fois par an, un numéro de TRACeS est écrit par ses lecteurs. Le comité invite ceux-ci à le rejoindre pendant un week-end d’écriture autour du thème, qui sera celui du numéro issu du week-end. Une sous-équipe prépare des dispositifs et des animations pour mettre les participants « en écriture ». Les ébauches de textes rédigés dans les moments de travail individuel sont lus en petits sous-groupes où chacun émet ses impressions et propose des relances d’écriture à l’auteur. En fin de chaque journée, les participants sont invités à dire s’ils enverront un texte finalisé à la rédaction dans le délai fixé. Des demandes de relecture et d’aide à l’écriture peuvent être formulées, adressées au comité en général, à un membre du comité en particulier ou à un autre lecteur.

Et l’avenir de la revue ?

Le défi que nous avons relevé pour les quarante ans du mouvement, en 2011, a été de rénover complètement le look de notre revue. Il avait auparavant le format d’un journal A3, publié en noir et blanc. Nous désirions rendre sa lecture plus agréable et pratique mais surtout sans que les questions de forme ne prennent le pas sur le fond. Pour nous, c’est de l’intérieur que nos idées sont belles ! Un peu de couleur, des caractères et un format plus confortables, un objet moins bétonné qui respire mieux… pour rendre les idées (toujours le même combat) moins rébarbatives, peut-être, pour les difficiles à persuader. Tout en sachant que le pas (le saut !) que doivent faire enseignants et autres praticiens pour changer de posture et prendre parti pour une autre École est de la taille d’un géant.

Une question essentielle que nous pose le futur est déjà celle de notre présent. Nous sommes très attentifs à la lisibilité de notre journal. Il n’est pas écrit pour des chercheurs mais bien pour des personnes actives sur le terrain de l’éducation, porteuses de formations très diversifiées. Nous désirons que les idées les plus exigeantes, les théories les plus ardues soient partagées dans une langue qui n’exclue pas ceux dont les acquis politiques et théoriques sont encore peu solides.

Continuer à dire nos partis pris et nos choix politique, faire parler les terrains où se cherche un autre rapport aux savoirs, un vrai partage du pouvoir. Aller chercher les pratiques ouvrantes là où elles se réalisent, souvent sans grands bruits. Résister au découragement parce que « ça, nous l’avons déjà dit cent fois et qu’est-ce qui a changé ? » Trouver d’autres manières de le dire.

En préparation, des dossiers autour des thèmes : Classes sociales, Réduire l’échec scolaire, Plaisir d’apprendre, Les maternelles. ■

TRACeS n° 204
Où est le joint ?
Le collectif fait encore peur, mais l’isolement est tellement emmerdant… Collectivement, il est urgent de réintroduire de l’instituant, rien que ça, tout ça. De la capacité collective à oser se demander ce qu’on fout et pourrait bien foutre ensemble, de la capacité d’auto-organisation. Des institutions qui permettent la coopération et la contestation.
Individuellement, il est urgent de réintroduire du divergent, de l’incertain, de l’Autre. Rien que ça, tout ça. De la capacité individuelle à chercher avec d’autres, de traiter des questions sans attendre de réponses, de l’intelligence. Des activités qui exigent de l’autonomie et de la coopération.
Il y a trop longtemps qu’à l’école, collectivement on se conforme et individuellement on répète. Le temps de la Résistance est revenu. Et pour entrer en résistance, il est indispensable de s’organiser, d’articuler l’individuel et le collectif. Qu’attendons-nous ?
TRACeS, n°204 « Individuel/collectif », fév 2012

Où est le joint ?
Le collectif fait encore peur, mais l’isolement est tellement emmerdant… Collectivement, il est urgent de réintroduire de l’instituant, rien que ça, tout ça. De la capacité collective à oser se demander ce qu’on fout et pourrait bien foutre ensemble, de la capacité d’auto-organisation. Des institutions qui permettent la coopération et la contestation.

Individuellement, il est urgent de réintroduire du divergent, de l’incertain, de l’Autre. Rien que ça, tout ça. De la capacité individuelle à chercher avec d’autres, de traiter des questions sans attendre de réponses, de l’intelligence. Des activités qui exigent de l’autonomie et de la coopération.

Il y a trop longtemps qu’à l’école, collectivement on se conforme et individuellement on répète. Le temps de la Résistance est revenu. Et pour entrer en résistance, il est indispensable de s’organiser, d’articuler l’individuel et le collectif. Qu’attendons-nous ?

TRACeS, n°204 « Individuel/collectif », fév 2012.


Voir en ligne : Le site de la revue TRACeS