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Anonymous – Pirates ou altermondialistes numériques ?
samedi 16 juin 2012, par
La couverture m’avais d’abord fait penser qu’il y aurait un peu d’informatique et d’espionnage ; peut-être une analyse sociologique de ces « Anonymous ». J’y ai découvert bien d’autres choses et avec plaisir et intérêt.
La première partie permet de comprendre comment se sont construites quarante ans d’histoire des hackers.
Implantées dans la contre culture et la désobéissance civile des années 70. Avec constamment une forte dimension politique :
« Nous recherchons la connaissance et vous nous appelez criminels (manifeste du hacker) »
« La technologie et son contrôle sont des affaires éminemment politiques qui engagent la liberté et le pouvoir, et non de simples points “techniques”. Les ordinateurs et internet permettent de comprendre et de partager la connaissance. Dès qu’un obstacle apparaît, il faut s’attacher à le faire sauter »
C’est cette importance accordée à la circulation de l’information qui fait que ce sont des hackers qui ont fondé Indymedia et Wikileaks.
Et aux déminage des obstacles : « Internet est progressivement en train de tomber sous le contrôle et les restrictions de gouvernements et de multinationales. Les connections internet sont filtrées et censurées, pas uniquement en Chine, mais aussi, de façon flagrante, en Occident, comme en Australie et au Canada. (Chas Computer Club 2011) ». D’où des recherches actuelles pour mettre en place “Commotion wireless”, un réseau sans fil, anonyme et crypté.
Loin de se limiter aux ordinateurs le mouvement des hackers est un rapport à la technique (aux téléphones, aux caméras de vidéosurveillance, aux puces RFID, etc.) Parmi les exemples cités : en 1993, les Yes Men parviennent à intervertir les enregistrements sonores des GI Joe et des Barbies : les GI Joe invitent à faire du shopping quand les Barbies tiennent des propos va-t-en-guerre ! De nombreuses actions font preuve de beaucoup d’humour.
Ce n’est qu’après cette passionnante entrée en matière que l’ouvrage détaille ce que font actuellement les Anonymous. Moins originale et parfois trop détaillée. Les Anonymous sont vraiment apparus en 2008 en luttant publiquement contre l’Église de scientologie et les réseaux pédophiles. Leur soutien aux printemps arabes, aux indignés, à “occupy wall-street” montre bien où va leur sympathie politique. Un de leur mode d’action est le déni de service (faire tomber un site web en panne) ou le défaçage (remplacer la page d’accueil par une autre page). Ça ne plaît pas à tout le monde et ils ont été poursuivi par Paypal, Mastercard, Amazon, etc.
Leur mode d’organisation – être anonyme – et leur principe « Personne ne parle pour Anonymous » et « Tout le monde peut s’exprimer en tant que membre d’Anonymous. Nous n’avons pas de dirigeant. Uniquement des sensibilités. Nous n’avons pas d’objectifs. Uniquement des résultats. Nous ne pouvons être arrêtés, car nous ne sommes qu’une idée. Nous ne pouvons pas être effacés car nous sommes transparents. »
Autour d’eux une nébuleuses de groupes – parfois éphémères – qui adoptent certains de ces principes : lulzsec, télécomix, WITP.
Le livre détaille peu, et c’est dommage leur mode de décision dans les forums, la doocratie. C’est un système ou c’est « celui qui dit qui fait ». Ce système se distingue d’un système démocratique où les décisions sont prises en commun avant qu’il y ait action. La doocratie implique au contraire une grande ouverture à la contribution dans lequel les individus choisissent des rôles et des tâches pour eux-mêmes et les exécutent par eux-mêmes. C’est un modèle particulièrement efficace qui facilite la prise d’initiative par le plus grand nombre. C’est par exemple ainsi que fonctionne Wikipedia.
Anonymous : Pirates informatiques ou altermondialistes numériques ? [Peuvent-ils
changer le monde ?], Frédéric Bardeau, Nicolas Danet, FYP Éditions (Présence), 2012, 208 p., 19,50 €.