Accueil > La revue > Nouveautés lecture > Sur l’école... > Ceux qui sauront, Pierre Bordage
Ceux qui sauront, Pierre Bordage
jeudi 20 janvier 2011, par
La collection « Ukronie » de Flammarion se concentre sur le principe de l’uchronie (réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé) dans une série d’œuvres destinées à la jeunesse. Pierre bordage, auteur de science-fiction contemporaine français, a écrit sa première œuvre pour la jeunesse dans le cadre de cette collection. Dans son roman, il imagine quelle pourrait être notre société si, en 1882, les royalistes avaient réussi à reprendre le pouvoir en renversant le gouvernement et en exécutant, entre autres, Jules Ferry. Le roman part du principe que les royalistes ont non seulement bloqué l’évolution de l’école, telle que nous la connaissons mais ont aussi tout fait pour ramener notre société dans un état qui se rapproche de l’Ancien Régime d’avant la Révolution française. Le roman n’aborde que très peu les événements historiques en question qui, pour les personnages, sont anciens et finalement assez mal connus.
La seule mort de Jules Ferry n’explique pas la situation qui sert de toile de fond au livre. L’auteur ne s’y est pas laissé prendre et a bien tenu compte du fait que l’école en 1882 scolarisait déjà la grande majorité des enfants. Il explique le retour à cette fin société quasi ancien régime par une volonté politique de l’aristocratie de revenir sur quelques grands progrès du xix e siècle : le développement de l’éducation, de la presse politique, du syndicalisme. Un des personnages principaux du roman, prolétaire saisonnier ne sachant pas lire, se prépare à suivre les traces de sa famille en entrant au service d’un grand propriétaire noble. Dans le cadre de la société présentée dans le roman, les « cous noirs », ces ouvriers pour lesquels l’éducation et l’école sont interdites et le simple fait de savoir lire est passible de prison, ne disposent d’aucune structure sociétale au-delà de leur famille proche. La fin de l’école, son interdiction, les a placés dans une situation d’isolement de fait. Pas de journaux, pas de déplacements (il leur est interdit de quitter leur pays), une connaissance très vague du reste du monde et une ignorance des objets techniques de luxe réservés aux nobles (voitures, réseau informatique, etc.)
L’auteur nous fait découvrir cette société et, assez rapidement, ses résistants qui font vivre des écoles clandestines ou préparent et organisent les luttes contre le pouvoir. La collusion de l’aristocratie d’argent avec le pouvoir royal, le rôle à demi toléré des mafias nous rappellent que tout auteur d’uchronie (et peut-être tout historien dans une moindre mesure) interprète les événements avec un esprit marqué par le monde dont il est contemporain.
- Ceux qui sauront, Pierre Bordage, Flammarion (Ukronie), 2008, 288 p., 15 €.