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* Et le refus d’inspection ?
vendredi 5 février 2010, par
Nous mettons en ligne le texte du Collectif anti-hiérarchie le plus complet et précis à ce jour
Petit historique
L’inspection générale de l’Instruction publique a été créée par le consulat de Napoléon Bonaparte par la loi du 11 floréal an X (1/5/1802).
La contestation de l’inspection ne date pas d’hier. En 1933, Célestin Freinet sanctionné par son inspecteur lui répond par un contre-rapport ; il sera plus tard exclu.
Jusqu’en 1970, les manifestations de rejet de l’inspection sont isolées et ponctuelles. Elles se heurtent à un mur de silence. Les premières affaires qui ont un écho national, dans les années 70, concernent des refus individuels, d’abord dans le second degré et donnent lieu à de graves sanctions : Hurst, Henning, Papinski, Morin, Blache... En octobre 1971 Françoise Cluchague (Grenoble) est révoquée, Robert Vergnes (Paris) est suspendu pour 10 ans, Jocelyne Bensimon (Saint-Denis) est suspendue. Par contre lorsque Josette Laplace et Roger Leroy exposent les raisons de leur refus d’inspection devant le conseil de discipline académique d’Aix, deux représentants de l’administration se rangent de leur côté et il n’y aura pas de sanction (pour la première fois un comité de soutien s’est constitué).
Dès lors, le ministère décide de traduire les refuseux devant un conseil de discipline unique, réuni à Paris, et les menace de deux ans de suspension sans traitement. Pourtant des refus ont lieu dans le Gard, les Bouches-du-Rhône, en Bretagne, à Lyon, à Paris. Les sanctions sont variables, selon le rapport de forces et il arrive que l’administration ferme les yeux. Après 1976, il n’y a plus de conseil de discipline pour les professeurs qui refusent l’inspection.
Dans le premier degré, entre 1976 et 1979, des instituteurs s’organisent collectivement. à Brest et Woippy, le refus est provoqué par le non-respect par l’administration de contrats d’évaluation d’équipes. Les sanctions tombent : blâmes, suspensions avec demi-traitement, déplacements, rétrogradations. En Seine-et-Marne, en 1979, se développe le premier mouvement sur une base plus « idéologique » à l’échelon d’un département : 80 instituteurs (sgen, École Émancipée, icem) signent une pétition de refus d’inspection, organisent des réunions publiques dans les mairies, appellent à la grève... Résultat : 12 blâmes, 14 avertissements, des retraits de salaire... et 3 instits traduits en capd disciplinaire pour l’exemple à l’École normale de Melun le 5 juillet 1979. Cette affaire a un écho dans la presse nationale. Les débats durent 18 heures, 150 personnes manifestent toute la journée sous les fenêtres de l’École normale. L’administration qui demandait la radiation recule : les sanctions seront en retrait (deux affectations d’office, une rétrogradation d’échelon). à partir de cette date il n’y a plus de conseil de discipline pour refus d’inspection, y compris dans le premier degré.
Jusqu’en 1981 la contestation se poursuit, la répression se fait plus discrète et feutrée mais existe toujours. Des collectifs de contestation se développent dans différentes régions avec des modalités pratiques d’accueil des inspecteurs. Ils rassemblent majoritairement des militants du sgen, de l’École Émancipée et des équipes icem.
Dans l’académie d’Orléans-Tours, des préavis de grève par établissement permettent aux enseignants de débrayer quand un inspecteur arrive : « Pas de chance monsieur l’inspecteur, aujourd’hui nous sommes en grève ! »
En 1978, dans les Bouches-du-Rhône, se constitue la Commission inspection (au sein du syndicat sgen). Les refus sont de plus en plus nombreux, l’action s’amplifie. L’administration exige de ceux qui refusent un engagement écrit à recevoir le prochain inspecteur.
En 1981, Alain Savary est ministre de l’Éducation nationale, il s’intéresse à l’inspection pendant que la contestation prend plus d’ampleur. Des manifestes sont signés : l’un d’entre eux comportant 1280 signatures est publié dans Le Matin de Paris du 22 mars 1983.
En liaison avec le refus d’inspection se développe la réflexion sur une autre évaluation, sur « travailler autrement et collectivement » ; des propositions sont diffusées. Les inspecteurs se font plus rares dans les établissements.
Le 13 décembre 1983, le ministre Savary signe une note de service 83512 (lire pages suivantes) définissant les nouvelles modalités de l’inspection, l’aménageant tout en maintenant l’inspection individuelle et la note. Le refus d’inspection est reconnu.
En 1986, les collectifs s’organisent au niveau national. Une première réunion a lieu à Belfort en février 1986. Par la suite, ils se retrouvent au moins une fois par an. Après les grèves de l’hiver 87 contre le projet des maîtres-directeurs, le Collectif national décide d’élargir son champ, au-delà du refus d’inspection, à la lutte contre tous les abus de la hiérarchie dans l’Éducation et de diffuser sur abonnement un journal national Résistances.
Depuis la fin des années 80, le nombre des refuseux a diminué (effets du plan Jospin en 89, lassitude, air du temps ?), mais d’après Bernard Toulemonde, conseiller au ministère de l’Éducation nationale puis recteur de l’académie de Montpellier, environ 200 refus sont enregistrés chaque année par le ministère. Sachant que tous les refus ne sont pas signalés et que ceux qui refusent ne revoient pas de sitôt un inspecteur, ces chiffres prouvent que la contestation n’est pas en sommeil.
Aujourd’hui, les cas de sanction pour le motif de refus d’inspection ont a priori disparu. Le cadre légal obtenu par les luttes des collègues dans les années 70 et 80 l’a permis. Toutefois, la pratique du refus d’inspection a, elle aussi, beaucoup diminué… On peut noter tout de même quelques « victoires » juridiques supplémentaires, dont l’arrêt du conseil d’État n°115444 lecture du 18/11/1993 qui fait obligation à l’administration de l’én de noter ses enseignants (y compris les refuseux). De façon plus mitigée, la note de service n° 94-262 du 2 novembre 1994 donne le cadre du refus dans le secondaire en laissant la possibilité à l’administration de l’établissement d’abaisser la note administrative, voire d’entamer une procédure de sanction administrative. L’arrêt du tribunal administratif de Caen n° 9616 du 27 mai 1997 empêche théoriquement la hiérarchie de sanctionner par une sale note et sans autre forme de procès un refuseux (cas individuel dans le 1er degré).
Et surtout, la renaissance du Collectif anti-hiérarchie en novembre 2002 avec la première réunion d’information syndicale tenue sur ce thème. Le développement s’est fait en commençant par le refus d’inspection et les autres sujets anti-hiérarchiques sur Paris et commence à faire des petits un peu partout en Régions. Nous organisons maintenant des stages régulièrement pour se rencontrer, échanger et agir…