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La Section 22 : le syndicat de lutte des enseignants d’Oaxaca

jeudi 15 juillet 2010, par Greg

Aux sources de la Commune d’Oaxaca, la « Section 22 » du Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación (SNTE). Fondé en 43, avec 650 000 membres, c’est l’un des plus grands syndicats en Amérique latine. La Section 22 correspond à l’État d’Oaxaca. Ce syndicat, comme tous les syndicats mexicains, est contrôlé au niveau national par le Parti révolutionnaire institutionnel qui était, il y a peu, le parti d’État. Pourtant, depuis 1979, est apparu un courant démocratique et anti-bureaucratique, la Coordinadora Nacional de los Trabajadores de la Educación (CNTE). Partout minoritaire, sauf dans l’État d’Oaxaca, ce courant a pris le contrôle de la section au début des années 80, après une lutte féroce contre la bureaucratie qui a même fait assassiner des dirigeants oppositionnels. Une expérience qui peut expliquer la radicalisation de la Section 22.

Une structure syndicale démocratique

À l’inverse de la structure nationale, le fonctionnement de la Section 22 (70 000 membres) est calqué sur celui de la CNTE : à la base se trouvent les 570 délégations (plus de 40 personnes) et les 200 centres de travail (moins de 40) en fonction de la concentration des écoles. Ils désignent leurs mandatés, deux par délégation et un par centre de travail, qui formeront les comités ou coordinadoras de secteur (37) et de régions (7). Désignés pour deux ans, ils continuent à travailler. L’assemblée générale des travailleurs de l’éducation a lieu chaque mois, c’est l’organe décisionnel. Elle désigne les membres de la direction collective ou comité estatal chargés de l’application des décisions prises en assemblée et de la coordonnition des plans d’action. Les membres du comité au niveau de l’État sont des permanents nommés pour trois ans. C’est ce comité qui a posé d’ailleurs un certain nombre de problèmes au cours de la lutte, accusé parfois même de trahir le mouvement. [1]

Une structure syndicale démocratique

Tout a commencé par la lutte pour une augmentation salariale (voir chronologie). Il n’y avait pourtant aucune nouveauté par rapport aux conflits des années antérieures. La mobilisation s’est mise en marche à une date symbolique et traditionnelle : la journée de l’instituteur. C’est ainsi depuis 1979. L’entêtement et surtout la répression sauvage ont radicalisé les grévistes et suscité la solidarité de la population unis dans l’exigence de destitution du gouverneur de l’État. Forts de leur expérience de lutte, les enseignants et leur syndicat ont déjoué avec succès les tentatives de division. Quand l’Assemblée du peuple d’Oaxaca fut créée, le 20 juin, elle n’avait d’autre fonction que d’appuyer la lutte des enseignants. Elle était surtout composée des formations politiques d’inspiration marxistes-léniniste auxquelles se sont incorporés par la suite des dirigeants de diverses organisations. L’APPO se présentait alors comme une coalition de dirigeants sociaux et politiques articulée autour d’un comité provisoire de 30 personnes. Peu à peu, sous la poussée de la base sociale, une mutation a commencé à se produire.
L’APPO s’est inspirée du mode d’organisation de la Section 22, excepté en ce qui concerne le comité directeur, remplacé par une direction collective, el Consejo estatal, dont les membres sont bénévoles et nommés pour deux ans (plutôt que salariés et nommés pour trois ans). Les conseillers sont révocables à tout instant.

Pourquoi cette convergence des luttes ?

Les enseignants sont confrontés à des conditions précaires, avec très peu de moyens matériels, ils enseignent à des élèves victimes de malnutrition et qui doivent abandonner les cours pour aider leur famille aux travaux des champs. Bon nombre d’entre eux connaissent à peine leurs parents, émigrés aux États-Unis. Pour arriver aux communautés où ils travaillent, ces enseignants doivent investir du temps et de l’argent afin de se déplacer sur des chemins « qui n’existent que dans les rapports officiels [...] Dans ces conditions, l’identification des instituteurs avec les communautés dans lesquelles ils travaillent a été une constante dans l’histoire récente de la région. Ils ne sont pas seulement devenus des activistes dans leur syndicat mais aussi des porte-parole des revendications communautaires. » 2 Côté pédagogique, l’influence de Freire et de sa « pédagogie des opprimés » est indéniable.
Pour comprendre cette solidarité avec les instituteurs, il faut rappeler que beaucoup des mouvements locaux ont été organisés et dirigés par des professeurs. « Le syndicat des enseignants est l’unique force sociale démocratique ayant une présence sur tout le territoire. C’est la seule organisation capable de faire sentir de manière coordonnée et simultanée son poids politique dans toutes les municipalités de cet État. [...] Au-delà de leur militance syndicale, les travailleurs de l’éducation de Oaxaca ont une longue histoire de lien avec des organisations paysannes et indigènes. Dans une société où le monde rural a un poids très important, les instituteurs fonctionnent souvent comme les intellectuels organiques de la communauté. Leur connaissance de l’espagnol et des chemins scabreux des institutions les transforme souvent en gestionnaires des problèmes des villages. » [2] Cette solidarité qui s’est renforcée au fil des années explique que la plupart ont renoncé à l’occupation de la capitale pendant deux semaines, pour terminer l’année scolaire dans leurs communautés. Aux vacances, ils sont retournés en ville pour poursuivre leur mouvement.

La responsable nationale SNTE, Esther Elba Gordillo, a annoncé qu’elle allait exclure du syndicat la Section 22, à l’origine de la révolte d’Oaxaca. La réponse des profs n’a pas tardé : plusieurs associations d’enseignants de tous les États mexicains ont décidé de former un nouveau syndicat et de ne plus payer leur cotisation au SNTE.

(Synthèse réalisée à partir de différents articles sur le net – voir notes – et surtout de l’annexe de La Commune d’Oaxaca (George Lapierre) :
« La Section 22 du Syndicat des travailleurs de l’éducation ».


[11. Sur le fonctionnement de la Section 22 et certaines de ses dérives, voir Bien le bonjour d’Oaxaca sur le site Indymédia de Toulouse.

[22. Résistance et répression à Oaxaca, Luis Hernández Navarro, journaliste au quotidien mexicain La Jornada. Traduction sur le site http://risal.collectifs.net