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N’AUTRE École n°17 - hiver 2007/2008 -

VERS UN LIEU COMMUN ? École, luttes & espace

vendredi 4 janvier 2008

Édito :

École, le mot désigne, comme celui de classe, indistinctement le lieu et l’institution. Simple métonymie où le contenant vaut pour le contenu et la partie pour le tout ? Une confusion des registres qui invite à creuser jusqu’aux fondations de notre système éducatif. Et si, finalement, tout se lisait dans ces architectures et ces territoires scolaires.

Abélard enseignait dans une grange. Platon au bord de l’eau ou au hasard de ses promenades et de ses rencontres... Les écoles mutuelles réclamaient de vastes lieux semblables aux usines naissantes. L’enseignement simultané décomposait à l’infini les espaces et s’organisait autour du contrôle réciproque du maître sur ses élèves et des maîtres entre eux. L’école de Jules Ferry abandonne aux lycées bourgeois les pompes de l’architecture militaire et crée un style standardisé à la fois austère, campagnard et rassurant. Freinet, lui, franchit les murs de l’école et part sur les sentiers à la découverte du village et du monde... La pédagogie est-elle une affaire de décors ?

À force de l’ignorer, l’espace s’impose comme une dangereuse évidence. Aujourd’hui l’architecture des établissements scolaires joue de la transparence et de l’ouverture, se fond dans le paysage, se veut vitrine technologique ou écologique... Mais dans le même temps, ces nouvelles salles informatiques accueillent des élèves qui se tournent le dos pour mieux se connecter au monde à travers des écrans...

Tout comme cette autre dimension qu’est le temps, l’espace, dans l’institution scolaire, échappe à ses utilisateurs. Aux multiples exigences définissant les contraintes de construction des nouveaux bâtiments, s’ajoute cet impératif : conserver la norme en vigueur, au grand dam parfois des équipes pédagogiques concernées. Et c’est l’inexorable clonage des mêmes salles. Puisqu’il est fait pour durer, le bâtiment doit s’adapter à tous, signe peut-être qu’il ne s’adapte à personne ? En témoignent ces tables vissées au sol... ou bien ces incontournables dégradations sur le mobilier et les bâtiments. L’espace comme première cible de ceux qu’on enferme là chaque jour pendant des heures.

Que lit-on dans l’architecture de nos écoles ? Le « nul n’entre ici s’il n’est géomètre »... est remplacé par l’hypocrite « Liberté égalité fraternité ». D’ailleurs aujourd’hui, ce sont de criards panneaux bariolés qui ornent les façades : « Ici le Conseil Général/régional/ la mairie investit dans l’éducation de vos enfants » suivi du détail des dépenses prises en charge (mais qui omet le bénéfice du fabricant de panneaux).

Et si changer l’école, c’était aussi en changer l’architecture, l’investir et la libérer pour l’ouvrir sur le quartier ? À nous l’espace !

Sommaire :

I - DES ESPACES À CONQUÉRIR

- Merci de laisser cet endroit dans l’état où il était... : enquête sur les toilettes dans les établissements scolaire

- L’espace vécu des lycéens : comment les lycéens perçoivent leur espace... un travail mené par Jean-Yves Martin historien géographe

- Et la cour... ? un peu plus grande ! par Aldo Gari (CNT 46). Donner la parole aux élèves sur leurs revendications « spatiales »

- Lycée moderne, lycée caserne ? Par Florent, CNT éducation 75. Les lycées ont-ils vraiment changé ?

- Cuisines et indépendances. Raphaël Moreno, contractuel et militant de la CNT 66, présente son travail dans les cuisines de l’Éducation nationale.

- Oubliés, les « restaurants d’enfants » ! Bernard Collot, directeur de publication de la revue Marelle, fondateur des CRESPC (Centre de recherche des petites structures et de la communication) revient sur sa participation à l’aventure des « Restaurants d’enfants »

- Et si nous cultivions n’autre jardin Rencontre avec Bernard Jouve, OP jardinier à la CNT 42.

- Des espaces classes. Jacques Nimier présente les différentes modulations de l’espace classe et leurs conséquences pédagogiques.

II - ÉDUQUER OU ENFERMER

- L’élève : interdit de séjour à l’école. Entretien avec Pascale Legué, anthropologue, qui a beaucoup travaillé sur l’enfant dans la ville, a étudié, en 2002-2003, dans le cadre d’un contrat avec l’EPASAM (Établissement public d’aménagement du Mantois-Seine-Aval) le rapport des élèves à leurs espaces de vie : logement, quartier, cité, collège.

- Discipline : l’art des répartitions Extrait du chapitre « Corps dociles », Surveiller et Punir, de Michel Foucault.

- L’école, un espace à libérer par Anne Querrien, sociologue-urbaniste et enseignante. Auteure de L’École mutuelle, une pédagogie trop efficace, les Empêcheurs de Penser en Rond, septembre 2005.

- Éduquer ou enfermer ? Après une priorité donnée à la protection des mineurs à la fin de la guerre de 1945, on assiste depuis une dizaine d’années au retour de l’éducation à la trique. Cette conception de l’éducation s’accompagne de tout un arsenal allant de la propagande « enfermante » - avec dans le même temps une stigmatisation des jeunes perçus comme dangereux - à la construction de lieux d’enfermement tels que les zones d’attente, les centres « éducatifs » fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) par Bruno Carrié, CNT santé social fonction publique territoriale RP

- École = espaces d’interdits. Les écoles sont généralement constituées d’espaces... où il est interdit d’aller en dehors des temps impartis (toilettes, salle informatique, BCD, classes...). Concrètement, on va dans ces lieux si et seulement si l’enseignant en a jugé l’utilité, et en groupe la plupart du temps. La classe elle-même est rarement exempte de ces interdits (poubelle, lavabo, placard, coin lecture, etc.). Cela revient à proposer des gâteaux sur une table avec la mention : « ne toucher qu’avec les yeux ». Benoît Guerrée, Professeur des écoles, CNT 34.

- Pour un monde meilleur. Une réflexion sur la « liberté de circulation » dans et au-delà de la classe Véronique Decker

- Nous avons le temps, ils ont l’espace La dimension la plus oppressante à laquelle se heurtent, tout au long de leur vie, les travailleurs est celle du temps : c’est à travers leur relation au temps que la dépossession subie dans le salariat se fait sentir de la façon la plus aiguë. Le temps est pour eux comme un ennemi intime : temps sans surprise, voulu sans densité, le plus égal possible, temps purement quantitatif cadencé par l’horloge, par les échéances d’un calendrier rédigé par d’autres. « Le réveil sonne, première humiliation de la journée »... Alèssi Dell’Umbria, auteur de C’est de la racaille ? Eh bien, j’en suis ! À propos de la révolte de l’automne 2005.

- Encart Dalas

III - LE DESSOUS DES CARTES

- Désectorisation : vers la solitude éducative Laurent Ott, Éducateur et enseignant, docteur en Philosophie, auteur de Le travail éducatif en milieu ouvert, Eres, 2007.

- Pédagogie à la carte... L’assouplissement ou la suppression de la carte scolaire a fait l’objet de nombreux articles à la rentrée 2007. Nestor Romero, comme bien d’autres, n’avait pas attendu cette mesure pour dénoncer, dans le découpage hypocrite des secteurs, le reflet de la discrimination sociale qu’elle prétendait atténuer. Ses critiques articulent les questions que l’on peut se poser quotidiennement - la quatrième allemand-latin appartient-elle au même collège (unique) que la quatrième de soutien ? - avec l’analyse des notions de mérite et de réussite et l’affirmation qu’une autre pédagogie est indispensable.

- Mutatis non mutandis (Ce qui devait changer n’ayant pas été changé) Sébastien Marguet, CNT éducation 93, En se penchant sur les grandes tendances qui poussent les uns ou les autres à muter, il n’est pas frappant de constater qu’héliotropisme, sociotropisme ainsi que retour aux sources familiales et aux racines géographiques, représentent les trois raisons majeures de mutation quand changement d’air, départ vers l’aventure, rapprochement du lieu de travail du lieu de vie et rupture avec les habitudes sont des motifs moins partagés et, en tout cas, nettement moins fréquents.

- Collège « HQE » une vitrine écolo ? Reportage. Depuis 2002, de nombreux Conseils généraux se sont lancés dans la construction de collèges expérimentaux, pour ce qui est de l’architecture, après les accords de Tokyo concernant les normes HQE. « La Haute Qualité Environnementale est la capacité d’un bâtiment à préserver les ressources naturelles et à répondre aux exigences de confort, de qualité de vie et de santé. » Maryvonne Menez, CNT éduc 54.

IV - ICI, AILLEURS ET AUTRE PART...

- Les révoltés du 9-3 Sébastien Marguet En une petite dizaine d’années, en Seine-Saint-Denis, le Syndicat de Travailleurs-ses de l’Éducation a connu un développement sensible et remarqué. En même temps, une Union départementale et trois Unions locales (Aubervilliers, Montreuil, Saint-Denis) se sont créées. Comment l’Éduc 93 en est-elle arrivée là ? Comment ce département - singularisé par tant de discours et de données sociales que toutes les statistiques confirment - a-t-il vécu, parfois initié, les luttes récentes de 1995, 1998-1999, 2002-2003, 2005-2006 ou encore de 2007 ? Pour apporter certains éléments de réflexion, en répondant à une salve de questions proposées en guise de devoir de vacances, trois syndiqués-es du STE 93 livrent leurs analyses de ce bastion des luttes, de la situation sociale, des réalités militantes... dans le fameux 9-3.

- Un monde buissonnier Jean-Pierre Fournier explore différentes facettes du travail scolaire pour passer de l’autre côté des murs : correspondance internationale, sortie et étude du quartier, la géographie autrement.

- L’école, un espace éducatif nécessairement inséré dans les autres espaces de l’enfant 16 h 30. La rue de l’école est encombrée. Face à la grille, sur le trottoir, une armada de mères, pères, grandes sœurs... qui attendent, les visages quelque peu figés. De l’autre côté de la grille, cramponnés aux barreaux, déjà quelques petits minois inquiets qui attendent, eux aussi, que l’enseignant de service, gardien de l’ordre et de la sécurité, donne enfin le signal de l’ouverture qui libérera la volée de moineaux. Chacun retrouve son chacun ou sa chacune. Les sourires reviennent. Parfois des larmes qui font supposer qu’il s’est passé quelque chose dans l’enclos. Le trottoir et la rue se vident. La grille s’est refermée sur une cour déserte. Par Bernard Collot

- L’espace scolaire entre utopies et pédagogies Au cours des décennies, la toute-puissance de l’État républicain a laissé son empreinte dans la pierre des bâtiments publics et notamment dans les bâtiments scolaires, écoles communales (la Communale) instituées par la loi Guizot de 1833, lycées pour les élites bourgeoises. C’est la naissance de l’école de la 3e République : l’enseignement est gratuit, obligatoire, puis laïque. L’État s’impose en tout lieu, dans chaque village une école primaire-type utilisant des techniques de construction et des matériaux locaux : une mairie avec des logements à l’étage, flanquée d’un côté de l’école de filles et de l’autre de l’école de garçons, en face de l’église si possible, sur la place du village, laquelle se verra ornée par la suite d’un monument aux morts de la der des der. Gérard Rigaldo, CNT-FTE, Militant de l’ICEM-Pédagogie Freinet.

- Rencontre avec Riss à propos de son livre « J’aime pas l’école ».