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* Notation : pourrons-nous changer les mentalités et les pratiques ?
vendredi 5 février 2010, par
Élèves du lycée Xavier-Marmier à Pontarlier en première littéraire, nous avons comme projet de réaliser un TPE (Travaux personnels encadrés), qui a pour but de répondre à une question que nous nous posons. Le sujet que nous avons choisi est : « L’évaluation et les notes, quelles modifications pour l’avenir ? »
Par Chloé Girardet, Maureen Poix Daude et Loïs Boireau.
Cela nous interpelle car nous-mêmes étudions dans ce système et nous sommes sans cesse évalués, notés. Actuellement, la note n’évalue pas ce qu’on sait mais ce qu’on ne sait pas, cela implique un stress permanent pour beaucoup d’élèves.
Il nous est arrivé à tous de vivre ces expériences : travailler beaucoup pour une interrogation et obtenir un résultat vécu comme très décevant. Pour combien d’entre nous cela n’a-t-il pas engendré un sentiment d’injustice, de colère et de tristesse ?
La note nous hiérarchise, elle nous met en compétition et nous dévalorise, nous avons l’impression d’être étiquetés (l’intello, le cancre, le chouchou…). De plus, la notation crée des tensions entre professeurs et élèves et aussi un conflit perpétuel avec les parents. Ces derniers ne possèdent que la note pour nous juger, mais ne voient pas les efforts fournis. Ils ne connaissent pas nos opinions, nos idées, le contenu de notre travail. Une note n’est qu’un chiffre et ne signifie pas nos pensées et notre investissement. Ce qui amène à un non-partage du savoir et détruit l’envie d’apprendre.
L’élève écrit pour obtenir une note sans penser à ce qu’il écrit, ce n’est pas vraiment lui qui s’exprime. Cela détruit donc aussi le rapport à l’écrit car nous n’avons plus envie d’écrire de peur d’être jugés.
Donc pour changer un peu les opinions et les pratiques nous voulons créer une classe de seconde qui n’aura pas de note au moins pendant un trimestre. Nous avons parlé de ce projet au personnel administratif. Les responsables de notre établissement nous ont écoutés avec beaucoup d’intérêt. Nous allons présenter notre projet lors du prochain conseil d’administration du lycée et une équipe de professeurs va se réunir pour réfléchir à la mise en place de ce projet au mois de février prochain.
Faire apprendre par envie et non pour des chiffres
Ce nouveau système, que l’on aimerait instaurer dès l’année prochaine, aura pour but de mieux comprendre les élèves, de les faire apprendre par envie et non pour des chiffres, de les faire réfléchir par eux-mêmes, de les aider à avoir un esprit critique sans être découragés ou sanctionnés. À la fin de ce trimestre les professeurs devront parler avec l’élève pour voir son évolution pendant les trois mois. Ils verront ensemble ce qui est acquis ou pas et les choses à améliorer. Les parents pourront venir voir les productions et les travaux de leurs enfants.
Les élèves, les professeurs, les parents concernés par cette expérience donneront leur opinion afin de réaliser un bilan.
Dans la perspective de mettre en place ce projet, nous avons réalisé une enquête auprès de professeurs dans notre lycée. Nous avons également interrogé des pratiquants de la pédagogie Freinet.
Cette enquête a aussi été proposée à des élèves du lycée en série scientifiques, littéraires et dans les classes de section STG.
Un rejet majoritaire de la note
Tout d’abord commençons par les élèves de section scientifique, ils sont 60 % contre la notation et 40 % pour.
Pour eux, une bonne note est une source de motivation, alors qu’une mauvaise est au contraire source de découragement.
On peut donc dire que pour ces élèves la note a deux aspects, un positif et un négatif, elle encourage et pousse à travailler mais elle amène
également le découragement qui dans certains cas pourrait pousser à l’abandon du travail. En effet un élève nous dit lui-même : « J’ai travaillé, je n’ai pas eu une bonne note, à quoi ça sert donc que je travaille ? ! ». Ils nous disent également que les parents sont demandeurs de ces notes pour évaluer leurs enfants. Pour eux les notes sont une démonstration de ce que sont leurs enfants à l’école et comment ils travaillent. Mais une note n’est pas forcément le fruit d’un travail, fait ou pas.
Continuons avec les élèves de section littéraire et de STG, nous les avons regroupés car ils avaient à peu près la même vision de la notation.
Les littéraires sont 53 % à approuver la note et 47 % à la désapprouver, les STG eux sont à 45 % pour et 55 % contre.
Ces élèves avouent ne jamais s’être posé la question, pour eux, être notés relève d’une normalité. Seulement ils y voient une certaine incohérence et disent eux-mêmes : « On n’apprend que pour les interrogations, après on oublie tout. »
Et pour les profs ?
Ensuite parlons des professeurs du lycée Xavier-Marmier, 55 % sont contre la notation et 45 % sont pour.
Les professeurs en désaccord avec la notation ont le même argument que les élèves, c’est-à-dire le découragement pour les moins bons et l’encouragement pour les bons. Les professeurs en accord avec les notes pensent que c’est un moyen de pression pour les élèves, et que cela les pousse à travailler. C’est en effet une motivation pour ceux qui ont l’esprit de compétition, mais tout le monde n’a pas l’esprit de compétition. Un professeur a dit « Je trouve cela utile car cela permet de certifier que les notions enseignées ont été bien comprises par les élèves. »
Mais il nous semble que le terme d’apprendre est confondu ici avec celui de comprendre. Ce professeur est-il conscient qu’un élève n’apprend sa leçon que pour une interrogation et non pour son propre apprentissage et sa propre culture ?
Freinétistes pratiquants
Finissons par les pratiquants de la pédagogie Freinet qui proposent tous un autre système d’évaluation, selon eux la note ne sert qu’à avoir un statut dans le groupe d’adolescents avec tous les risques de dérive possible. La note permet de savoir si on est dans « la norme ».
D’autres disent que la note propose un classement qui n’a pas lieu d’être. De plus c’est une source de conflit énorme avec les parents. Ils sont très conscients de ce qui se passe, que les élèves n’apprennent que dans le but d’une interrogation, et ils nous répondent « Apprendre pour avoir de bonnes notes dénature complètement l’acte d’apprendre. » On leur a demandé si l’abolition des notes permettrait une meilleure approche de l’école ils nous ont répondu « Oui totalement, cela permettrait de revenir à ce qui compte réellement : progresser chacun à son rythme, redonner à chacun l’envie d’apprendre ».
La plupart de ces professeurs ne notent donc pas leurs élèves mais ils établissent d’autres systèmes d’évaluation. Mais ils restent réalistes « On n’échappe pas à l’évaluation. Jamais. Dans la vie c’est pareil. Autant le savoir et humaniser l’évaluation », conclut un professeur de second cycle et BTS.
Les réponses à notre questionnaire montrent que la majorité des personnes n’a jamais vraiment réfléchi au sujet. Et même si beaucoup se disent contre la notation, tout le monde est quand même bien ancré dans le système actuel. Pourrons-nous changer les mentalités et les pratiques ? ■