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Quand les élèves achètent des livres de philo pour le CDI...
samedi 27 mars 2010, par
Parallèlement au développement des cafés philos et à des initiatives dans l’Éducation nationale, les éditeurs se placent dans les créneaux d’un marché et j’ai fait participer des élèves à l’élaboration d’un ouvrage.
Une amie éditrice prépare une nouvelle
collection de philosophie pour des lecteurs
d’âge collégien.. Les responsables de la
collection souhaitent tester les textes qui
seront publiés et éventuellement collecter
quelques réflexions qui figureraient en
contrepoint de ces textes. Elle me demande d’organiser au CDI des rencontres avec
les auteurs d’un des ouvrages prévus.
« Pour de vrai »
De formation philosophique et ayant participé aux réunions de la commission
« philo » du mouvement Déclic (voir
encadré) j’accepte avec enthousiasme. Je
vois positivement le fait que les élèves
travaillent sur un projet extérieur, en
grandeur réelle, avec débouché sur la
« vraie vie », mais j’ai des scrupules à les
engager à servir les intérêts d’une entreprise privée (de même, lorsque j’affiche
un poster d’éditeur, je pense que je fais
rentrer la publicité dans l’établissement).
Des hasards d’absence de professeurs
font que je peux compter sur une sixième
très remuante, dont les professeurs se
plaignent parfois car, bien que l’ambiance y soit sympathique, les attitudes
contestataires et dilettantes de certains
élèves – par ailleurs en rivalité – sont un
peu gênantes.
Une fois de plus, une activité du CDI
doit se faufiler dans les interstices de
l’emploi du temps (eh oui, avant les remplacements Robien, je proposais à mes
collègues de me prévenir de leurs absences pour « caser » des séances supplémentaires de formation à la recherche
documentaire ; eh oui, le chef d’établissement, pourtant peu enclin aux innovations, était très content de l’arrangement
et de faire état dans son bilan de cette
activité « originale »).
En revanche, je suis entièrement
consentante pour que la fréquentation du
CDI soit l’occasion de mettre en évidence le sens des apprentissages scolaires et
de mettre les élèves en bonne condition
pour apprendre.
Gratuitement
La maison d’édition a demandé que les
parents signent une autorisation d’utiliser
les paroles des enfants ; deux parents s’y
sont opposés. Cette démarche a provoqué des commentaires sur la « propriété intellectuelle », la notion d’auteur, la rémunération des auteurs et les profits des éditeurs.. Vous avez sans doute tous entendu
des élèves se plaindre que « le métier d’élève » n’ait pas de salaire...
Ce que j’ai appelé l’atelier-philosophie
a consisté en deux heures de préparation
centrées sur les questions du langage et
de la conscience (les animaux en ont-ils ?) et deux heures avec les auteurs et
l’éditrice. Ces deux dernières heures ont
été enregistrées et j’en ai récupéré la
transcription presque intégrale.
Un des intérêts (et non le moindre) de
ces séances a été la mise en place de
règles de prise de parole avec une mesure très discutable : demander aux plus
spontanés, aux plus extravertis de garder
le silence pendant un quart d’heure pour
laisser aux plus timides, aux plus lents le
temps de réfléchir et de s’exprimer ; les
premiers ont été admirables dans leur
consentement et leur endurance durant
cette épreuve silencieuse mais visiblement difficile. Un autre a été la poursuite,
entre les séances et après la dernière, des
discussions entre eux et avec moi, discussions qui ont très vite abordé la définition
de la philosophie, telle que nous l’avions
discutée dans le cadre de Déclic.
Nous avons eu la surprise de voir une
élève se mettre à penser à la première
personne, comme les philosophes le font
souvent.
Lorsque les transcriptions sont arrivées
au CDI, un mois après l’atelier, certains
ont voulu relire ce qu’ils avaient dit.
L’année scolaire suivante, lorsque les
ouvrages ont été livrés en avant-première
au CDI, les participants – dispersés entre
plusieurs cinquièmes – en ont pris
connaissance joyeusement mais n’en ont
pas « fait un plat » (entre temps, l’éditeur
avait décidé de ne pas publier de citations
d’élèves, ce que je leur avais expliqué avec
le regret pénible de décevoir des enfants).
Perçu selon les cas comme divertissement, remédiation, punition ou récompense, l’atelier-philo (qui a rapporté un
lot d’ouvrages gratuits au CDI) est une
expérience dont je tire un bilan joyeux
et fructueux, en dépit des réserves
exprimées.„
Nicole Chosson