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Téléchargez le numéro 4 : "L’école aux ordres ?"

dimanche 7 janvier 1996

Le n°4 en PDF

SOMMAIRE

édito

 Faut-il défendre une éducation nationale et centralisée ? À l’image de notre travail syndical, cette revue se veut un espace collectif, ouvert à la pluralité des points de vue et des expériences. Sur le principe de ce que nous avions réalisé en ouverture de notre précédent numéro, nous avons à nouveau proposé aux militants de la CNT éducation de répondre en quelques lignes à une question qui non seulement concernait notre dossier mais était également d’une actualité brûlante : “faut-il défendre une éducation nationale et centralisée ?”
Ce questionnaire envoyé au coeur du mouvement permettra, nous l’espérons, de commencer à déblayer quelques pistes de réflexion pour les luttes futures.

 Indépendance de la pédagogie Au fil des années, les choses semblent se brouiller de plus en plus... Si, historiquement, le mouvement syndical s’est toujours attaché à promouvoir une pédagogie émancipatrice, une éducation véritablement populaire, si les mouvements pédagogiques ont affirmé dès leur création leur dimension fondamentalement sociale, aujourd’hui rares sont ceux qui entendent mener de front les deux combats.
Il faut dire que le pouvoir, la hiérarchie, l’état, sont passés par là. La “pédagogie” s’est enivrée de déclarations ministérielles, a connu le luxe flateur des beaux salons alors que le syndicalisme s’est mis à lorgner vers l’archaïsme rugueux et la démagogie facile pour flatter un électorat qui a bien changé... Il est alors plus que temps de réaffirmer “l’indépendance de la pédagogie”
Par Jean-Pierre Fournier, CNT éducation 75

 Une éducation physique émancipée Qu’il fut pour la bourgeoisie une activité élitiste où était valorisée l’esprit de compétition, ou, pour le patronat, au travers du sport collectif, un moyen de contrôle des loisirs du prolétariat, l’essor du sport, comme concept et comme pratique autonome, est lié à la naissance ducapitalisme et le développement de l’industrie. Il reste encore aujourd’hui l’un de ses vecteurs idéologiques les plus forts en terme d’audience. Contrôler les esprits et éduquer les corps ou son contraire, tel fut pendant près de deux siècles la vision utilitariste de l’école sur l’enseignement des pratiques corporelles.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Quelles pratiques collectives et individuelles sont mises en avant à l’heure où le spectacle du sport se globalise et où il constitue une des sources de profit les plus rentables ? L’éducation physique scolaire, faite par les instituteurs dans le primaire, (sauf à Paris) ou par des professeurs dans le secondaire (ou le supérieur), peut-elle échapper à la fonction normative du sport (le vêtement, la forme, la compétition) et devenir une activité sociale créative, récréative et ludique au sein même de l’école ? Une activité permettant à chacun ( fille ou garçon, grand ou petit, fort ou faible) d’y trouver un épanouissement individuel ?
Par Fabrice Pilleul CNT éducation 75

 Criminalisation des familles Le coup d’accélérateur libéral de l’actuel gouvernement s’est accompagné, fort logiquement, d’un durcissement idéologique, d’un retour à l’autoritarisme réactionnaire sous couvert de politique ultra-sécuritaire. Nombreuses sont les cibles - mais celles-ci ont en commun d’être toutes “pauvres”... - comme le dit l’adage “classes laborieuses, classes dangereuses”. Plus rares sont les poches de résistances, celles qui cherchent à combattre sur le terrain cette pollution des esprits, cette corruption des consciences qui contaminent malheureusement les victimes elles-mêmes... rencontre avec un groupe de réflexion et d’action sur les nouveaux visages de la pensée totalitaire.

 Enseigner les religions ? Ce n’est pas simple : d’un côté des malhonnêtes qui, pensant comme Voltaire que la religion est bonne pour le peuple, mais au contraire de Voltaire n’osant pas le moindre mot de critique, nous tartinent rapports et prescriptions
(heureusement encore vagues) sur la nécessité d’enseigner le fait religieux. Ces “on n’y croit pas mais il en faut” (Debray, Ferry) aimeraient bien qu’à l’heure de la désertion des églises il reste un peu de ce “je ne sais quoi” distingué et hypocrite que la bourgeoisie française a si bien cultivé. Pater noster, patrie, patrimoine.
Par Jean-Pierre Fournier, CNT éducation 75

 LP sous contrôle patronal ? Voie de relégation pour les élèves, sujet de discours hypocrites sur “la nécessaire revalorisation de l’enseignement professionnel” pour les ministres, les LP (ex-LEP, ex-CET, ex-centres d’apprentissage) sont toujours les oubliés d’un enseignement fondé sur la domination des savoirs savants, ignorants du travail humain qui les fait vivre. L’enseignement technique court, même prolongé par les bacs pro, reste à l’écart (et en dessous même de l’enseignement technique long débouchant sur un “vrai” (?) bac). Raison de plus pour en parler.

 L’école et les “Républicains” Dans la sphère éducative, on a bien un affrontement entre pédagogues et “républicains“ : les premiers luttent au quotidien, dans les classes, pour montrer aux élèves qu’enseignement n’est pas synonyme de défaite, de passivité ou de désordre ; les autres trouvent que “Rome n’est plus dans Rome” et prônent le retour aux “vraies valeurs” : méthode syllabique exclusive, dictée, dissertation, intangibilité des disciplines, refus de l’interdisciplinarité ; que ça ne “marche” que pour une partie des élèves, ils s’en moquent (“on n’est pas là pour faire de la sociologie”). En fait de socio, les premiers se trouvent essentiellement dans le Primaire et dans les quartiers populaires, les seconds dans le Secondaire -plutôt en lycée qu’en collège- et dans les centre-ville. Un certain nombre d’experts, auteurs de livres sur l’école, nous pressent de ne pas choisir entre les deux camps. Réflexe, là encore, de dissert’ : ni l’un ni l’autre, mais la voie moyenne, celle de la sagesse. Celle de la trouille, oui ! Celle de la peur de s’engager. La CNT, elle, est clairement dans le camp des pédagogues, et plus particulièrement de ceux qui doublent leur engagement pédagogique d’un choix social. Par Catherine Chabrun, Pierrick Descottes, Laurent Ott, Joël Blanchard ICEM - pédagogie Freinet

 Non à la compétition !

 L’école peut-elle être juste dans une société injuste ? Le philosophe Bernard Defrance revient souvent, dans ses interventions (ci-dessous, un extrait de l’allocation de clôture du Séminaire international de la fédération internationale des Communautés éducatives, à Luxembourg en septembre 2001) sur les contradictions de l’école, institution qui ne met pas toujours en pratique les principes qu’elle enseigne. Beaucoup d’entre nous reconnaîtrons une de leurs préoccupations dans son souci d’articuler savoir et éthique et retrouverons dans sa conception de “la liberté qui ne s’arrête pas là où commence celle d’autrui” celle que professait Bakounine : “Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes ou femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou une négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation.” Par Bernard Defrance

 À vos marques, prêt... luttez ! ! “Les enfants constituent une cible de plus en plus prisée par les publicitaires, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que les deux tiers des produits consommés par les enfants le seront encore à l’âge adulte et que ceux-ci sont de plus en plus souvent les prescripteurs des achats effectués par leurs parents. Or, pour certains, l’école représente le lieu idéal pour diffuser des messages publicitaires à l’intention des enfants : c’est là qu’ils se trouvent tous rassemblés et le lieu même tend à garantir l’intérêt et la qualité des messages qui y circulent” (Rapport Le marketing à l’école, GMV Conseil, octobre 1998). Le développement de la publicité à l’école est inséparable de la volonté des Maîtres du monde de s’approprier son contenu éducatif. Texte diffusé sur la liste du Collectif “Résistons ensemble contre les violences policières et sécuritaires” http://resistons.lautre.net/.

 Le marché de l’échec scolaire : une vraie réussite
Acadomia, des Cours très particuliers
“Le public, c’est ce qui reste quand on ne peut pas faire de bénéfices”... Pourquoi l’école échapperait-elle à cette règle aussi vieille que le capitalisme, qui a étatisé les chemins de fer parce que c’était trop coûteux pour les compagnies, et unifié l’école sous sa coupe tout en laissant, de toujours, au privé de profitables écoles privées notamment dans le cadre de l’enseignement professionnel ? Dans le cas présenté ici, tradition donc, mais nouveauté aussi : le privé fait le “service après vente” du public, et offre des prestations payantes à ceux qui payent. Le détail vaut la lecture... Par Thierry Brulavoine Sud éducation

 L’armée à l’école "L’armée à l’école... vieille histoire qui date de Napoléon. Au fil des époques, cette lune de miel ne fut jamais remise en question. Une histoire toujours d’actualité comme le montre l’exemple ci-contre...
Au moment de s’interroger sur les “pouvoirs” qui encerclent l’école, il ne faudrait donc surtout pas oublier le poids de l’armée et de l’idéologie militariste dans l’éducation."
Par Aimée Mouchet Sud éducation

 École de journalisme Produire, abrutir, obéir... CFJ - Centre de formation des Journalistes - à la fois une école supérieure comme les autres, et à ce titre révélatrice des méthodes qui y sont appliquées - et un espace tout à fait original, puisque c’est là qu’est formée la future élite des médias. Il y a quelques mois, sortait en librairie le témoignage d’un ancien de l’école, François Ruffin sous le titre Les petits soldats du journalisme. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous explique comment fonctionne cette “école-entreprise” et quels sont les enjeux qui se cachent derrière cette usine à formater les con-sciences. Par François Ruffin auteur de Les petits soldats du journalisme, éditions les Arènes

 Pelloutier : Instruire pour révolter En lançant cette revue nous souhaitions aborder les questions éducatives sous l’angle social qui fait encore trop souvent défaut aux analyses pédagogiques. Cette dimension essentielle, pour qui veut comprendre et transformer l’école, est dictée par notre engagement syndical, dans et hors de l’éducation. Cette voie aujourd’hui bien étroite a été empruntée par d’autres avant nous : les camarades de l’école émancipée, dès leur création, certains mouvements pédagogiques... Ce chemin que nous voulons suivre a une histoire, celle du mouvement ouvrier, dont nous présentons ici l’un de ses plus acharné défenseur : Fernand Pelloutier.
Par Grégory Chambat CNT éducation 78