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Travail à la maison... ...devoirs au noir ?

mardi 8 novembre 2011, par Greg

Lors de l’écriture de l’article précédent, je cherchais les textes officiels qui régissent l’interdiction des devoirs à la maison. En un clic, quelle n’a pas été ma surprise ? Arrivé directement sur un site très officiel [1], je suis non seulement tombé sur les références légales (voir encadré), mais aussi sur un argumentaire en sept points contre ces devoirs, bien construit, clair, et auquel il n’y a pas grand-chose à redire…

Résumé

Passons sur le premier argument, dit « légal », ridicule : « Un enseignant peut-il montrer à ses élèves qu’il ne respecte pas la loi ? » N’oublions pas que la désobéissance peut être considérée comme un devoir [2]. Le deuxième argument est dit « démocratique » : « Laisser les élèves et leurs familles seuls face aux devoirs et leçons est source d’iniquité. » Il y est prouvé que le travail à la maison est source de sélection sociale (vous me direz, avec raison : « comme l’école »). Le troisième, « sanitaire », prend en compte le besoin de repos des enfants, qui passent plus de temps au travail que leurs salariés de parents ! Le quatrième est qualifié de « social » : le travail du soir pèse sur les temps de loisirs, de repos, sur les activités extra-scolaires ; il y est de plus qualifié de « secondaire pour l’école ». La préoccupation des familles pour ces devoirs est exagérée, ce qui conduit à l’argument suivant, « psychologique ». Il y est montré, bien que ça eût mérité un approfondissement et quelques éclaircissements, le poids des devoirs sur les relations familiales. Le sixième est l’argument « moral » : « Plutôt que d’expliquer les pratiques d’enseignement et la collaboration attendue avec les familles, certains enseignants prennent l’image commode du bon enseignant qui fait travailler les élèves […] » Le dernier argument, « pédagogique », bien construit, explique clairement l’inutilité des devoirs dans le processus d’apprentissage. Ça fait beaucoup d’arguments pertinents… il ne reste plus qu’à convaincre, et cela ne semble pas être une priorité dans l’Éducation aujourd’hui. ■

Pascal Moncey (STE 75)

Ce que disent les textes...

L’arrêté du 23 novembre 1956 aménage les horaires des écoles primaires et inscrit les devoirs pendant le temps scolaire. En application de l’arrêté, la circulaire du 23 novembre 1956 supprime sans équivoque les devoirs à la maison, retenant des arguments d’efficacité et de santé. « Six heures de classe bien employées constituent un maximum au-delà duquel un supplément de travail soutenu ne peut qu’apporter une fatigue préjudiciable à la santé physique et à l’équilibre nerveux des enfants. Enfin, le travail écrit fait hors de la classe, hors de la présence du maître et dans des conditions matérielles et psychologiques souvent mauvaises, ne présente qu’un intérêt éducatif limité. En conséquence, aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe. Cette prescription a un caractère impératif et les inspecteurs départementaux de l’enseignement du premier degré sont invités à veiller à son application stricte. Libérés des devoirs du soir, les enfants de 7 à 11 ans pourront consacrer plus aisément le temps nécessaire à l’étude des leçons. »

L’application de la circulaire n’est pas satisfaisante, plusieurs textes doivent rappeler l’interdiction : en 1962, 1964, 1971, 1986, 1990. La circulaire du 17 décembre 1964 ajoute même une précision et porte l’interdiction aux « écrits à exécuter hors de la classe », puisque certains enseignants interprètent les textes en déclarant ne pas donner des devoirs mais des exercices écrits.

La circulaire du 6 septembre 1994 instaure les études dirigées pendant le temps scolaire, pour apporter une aide personnalisée et méthodologique à chaque élève afin « de prévenir les risques d’échec et de réduire les difficultés provenant des inégalités des situations familiales ». L’interdiction des devoirs à la maison demeure : « Dans ces conditions, les élèves n’ont pas de devoirs écrits en dehors du temps scolaire. À la sortie de l’école, le travail donné par les maîtres aux élèves se limite à un travail oral ou à des leçons à apprendre. »
L’arrêté du 25 janvier 2002 promulgue les horaires et les nouveaux programmes. Les études dirigées n’apparaissent plus dans un horaire spécifique. Elles ne disparaissent pas pour autant, mais le choix de leur introduction est laissé aux maîtres « en fonction des besoins particuliers d’une classe tout au long de l’année ou pendant une période déterminée ». Aujourd’hui, les devoirs à la maison restent interdits ; le travail oral, les leçons sont autorisés. Il est à noter qu’aucun texte ne demande aux enseignants de prescrire un travail aux élèves après la journée de classe.


[22 Et même au-delà de la désobéissance, l’insurrection : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » (Constitution de 1793, article 35).