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Une histoire populaire de l’Empire américain

mardi 2 novembre 2010, par Greg

Comme l’annonce la 4e de couverture, « Une histoire populaire de l’Empire américain » est l’édition française de l’adaptation de Mike Konopacki (dessinateur) et de Paul Buhle (scénaristes adaptateur) du best seller d’Howard Zinn, « Une histoire populaire des Etats Unis ».

Le glissement sémantique opéré par les traducteurs français n’est pas anodin et témoigne du parti pris original des auteurs d’inscrire sa critique de l’histoire officielle des Etats Unis dans son actualité. Dés le début de la bd le personnage d’Howard Zinn s’exprime sur le 11 septembre. Puis à la tribune d’un meeting contre la guerre en Irak, il explique pourquoi les Etats Unis, ancienne colonie, n’a cessé de mener des guerres coloniales pour agrandir ses frontières, trouver des débouchés à sa production industrielle et renforcer la cohésion de ses communautés en inspirant un sentiment d’appartenance patriotique. « Les usines américaines fabriquent plus que ce que peuvent utiliser les américains ; le sol américain produit plus que ce qu’ils peuvent consommer. Voilà pourquoi le commerce du monde doit être et sera notre » disait le sénateur de l’Indiana, J. Beveridge, au début du xxe siècle. La guerre d’irak justifiée avec les
mêmes arguments et les mêmes élans patriotiques que ceux utilisés hier, succédant aux guerres indiennes, à l’invasion de Cuba, à l’invasion des Philippines ou à la guerre du Viet Nam s’inscrit à ses yeux dans la longue tradition des guerres impérialistes menées par son pays.
Pour autant, tout au long des chapitres, cette perspective semble s’inverser : ce n’est pas tant l’histoire de l’impérialisme américain qui est donné à lire mais celles des luttes et des resistances du peuple américain contre cet empire capitaliste.

Après ce long rappel à une histoire occultée, L’orateur Howard Zinn conclue en donnant raison à ceux qui, comme les marcheurs des droits civiques ou les manifestants anti guerre du Viet Nam, ont changé le cours de l’histoire et refusant le destin que leur imposait leurs dirigeants.

Ce dispositif narratif subtil qui fait de lui à la fois le narrateur principal et un témoin historique parmi d’autres, permet de donner aux témoignages du chef indien, des cheminots, des mineurs en grève, des pacifistes emprisonnés, des zazous provocateurs, des vétérans du viet nam, des hippies ou des syndicalistes évoqués, le même poid de vérité.
Une lecture rapide de la bande dessinée pourrait nous faire craindre que ce parti pris réduise le travail de Zinn à l’écriture d’une contre-histoire au service d’une mémoire collective défaillante.
Au contraire, la pertinence de leur adaptation tient à ce qu’elle fait confiance au medium lui-même pour restituer l’ambition de l’historien.
A l’instar du documentaire audiovisuel, la BD en mélangeant des images d’archives aux cases dessinées, en alternant le récit à la première personne et les dialogues de fiction ou historiques cherche non seulement à interpeller le lecteur mais encore à lui donner un maximum d’informations et de faits propres à le faire réfléchir sur l’histoire en train de s’écrire.

Il y a adéquation entre la forme et le fond : un art populaire au service d’une histoire du peuple américain et de sa conscience.

  Une histoire populaire de l’Empire américain
Mike Konopacki, Paul Buhle et Howard Zinn, Editions Vertige graphic, 2009.