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Une revue de lutte ! Entretien avec le comité de rédaction de N’Autre école

lundi 22 mars 2010, par Greg

C’est dans un constant souci d’échanges réciproques avec nos lecteurs que nous avons engagé l’aventure de N’Autre école. Il nous semblait que cet entretien avec le comité de rédaction de la revue pouvait trouver sa place dans ce numéro. Parce que sortir cette revue est bien une lutte... Parce que sa rédaction se nourrit de nos luttes. Et parce que cette publication témoigne aussi de notre volonté de lutter collectivement pour une pédagogie sociale.

N’Autre école en est à son 14ème numéro, à quels besoins répond cette revue, dans la CNT et dans l’intervention de la CNT dans l’éducation ?

Cela fait maintenant 5 ans que nous nous sommes lancés dans « l’aventure » de cette revue « sociale et pédagogique ». Ce projet a été porté dès le départ par la fédération CNT des travailleurs et travailleuses de l’éducation et débattu en congrès. Nous partions du constat que notre discours sur l’école ne pouvait se réduire aux slogans ou aux tracts de lutte. Nous nous revendiquions d’une éducation émancipatrice, nous défendions des pratiques différentes, en rupture avec l’école dans laquelle nous militons et nous travaillons, nous prétendions articuler révolution sociale et révolution éducative (le sous-titre de la revue est « Pour une révolution sociale, éducative et pédagogique »). Pour creuser ces réflexions, il nous manquait un outil. D’abord pour les militants de la CNT éducation, et de la CNT en général. Parce que notre implantation dans l’éduc, bien que réelle, est encore récente et les adhérent(e)s sont souvent en début de carrière. Il y avait un héritage à transmettre, celui du syndicalisme révolutionnaire qui a toujours été un élément actif dans l’éducation. Chaque numéro se veut une contribution au développement de la CNT, à la formation des militant(e)s. L’idée que le syndicalisme est avant tout un lieu de formation, d’éducation nous est chère, à nous qui nous nous reconnaissons dans cette définition de Pelloutier « les amants passionnés de la culture de soi-même »...
Mais nous n’avions en aucun cas l’intention d’éditer une sorte de bulletin intérieur. La revue est résolument ouverte, au point d’avoir consacré tout un numéro exclusivement à des contributions extérieures. Nous définissons notre publication comme un carrefour d’expériences, de pratiques et de réflexions. Loin de tout sectarisme, nous recherchons et sollicitons ces contributions extérieures pour faire avancer le débat : dans le syndicalisme (avec des textes signés par des militants de Sud, de la FSU, du PAS, de l’Émancipation, du SGEN-CFDT... et à l’étranger avec la CGT espagnole, la Sac suédoise, des argentins, des belges...), dans le mouvement pédagogique (l’Icem-mouvement Freinet, le GFEN, les Cahiers pédagogiques, l’OCCE, les écoles expérimentales...) ou encore des associations et collectifs (les non-titulaires, Attac éducation, l’École démocratique...).
Enfin, nous accordons la plus grande vigilance à la lisibilité de nos textes. Notre vrai public, c’est celui des salles des maîtres et des profs, les parents d’élèves, les agents de l’Éducation nationale... Hors de question d’user d’un langage accessible aux seuls militants (syndicaux ou pédagogiques) ou aux seuls experts. Et souvent les exemplaires qui traînent en salle des profs disparaissent, preuve de leur succès...

Comment est composé le comité de rédaction ?

Le comité de rédaction est au cœur du fonctionnement de la revue. Il est actuellement composé d’une dizaine de militant(e)s de la CNT éducation, habitants en région parisienne (majoritairement en banlieue) et en Province. Un groupe se réunit tous les mois (5/6 personnes). Les autres participent via internet et au moment des rencontres fédérales.

Comment fonctionne-t-il ?

La réunion mensuelle du comité de rédaction fait le point sur l’avancement du numéro, la répartition des corrections, la relance des collaborateurs, la relecture de la maquette... Le choix des thèmes (chaque numéro est centré sur une problématique spécifique : les filles à l’école, la culture, le syndicalisme, la grève, les contenus d’enseignement...) relève du comité mais les rencontres nationales de la fédé (2 ou 3 par an) sont l’occasion pour les syndicats de faire des propositions. Enfin, comme en 2003 avec la grève ou cette année avec la lutte des sans-papiers scolarisés, l’actualité peut bousculer notre calendrier et certains thèmes s’imposent alors comme une évidence.

Qui peut écrire dans la revue ?

Il semble plus parlant de répondre en disant qui « a » écrit dans la revue : des enseignants (en formation, débutant ou retraités, de maternelle, primaire, collège, lycée ou d’université), des personnels Atoss (et nous sommes fiers que la revue ne s’adresse ni ne soit réalisée que par ou pour les « profs »), des parents d’élèves, des chercheurs, des syndiqués (et des syndicats rédigeant de manière collective des textes) et des non-syndiqués, des pédagogues avertis et reconnus et des anonymes, des étudiant(e)s, des lycéen(ne)s et même une collégienne ! – enfin nous tenons à mêler contributions « de France » et de l’étranger... Bref, le plus simple serait de lister ceux qui ne peuvent pas écrire ! (finalement, nous ne refusons que les textes « idéologiques » et déclamatoires, car il faut s’appuyer sur une expérience et des pratiques, loin des publications universitaires ou de certains journaux militants...).


La revue est-elle l’organe de propagande de la CNT-FTE ?

Il est évident qu’à la lecture de ce qui précède, rien n’est plus éloigné de notre projet que la notion de « propagande » d’organisation. Certes, nous sommes convaincus que la forme de la revue et ses choix témoignent de la vitalité et de la richesse de l’action de la CNT dans l’éducation, cette revue a également démontré que nous étions souvent les seuls à tenir les deux bouts de la ficelle : le discours social et le discours pédagogique, mais nous refusons d’être la « vitrine » officielle d’une quelconque ligne d’organisation. Au contraire, il nous arrive de jouer un peu la mouche du coche en donnant la parole à ceux qui défendent l’idée de participer aux élections paritaires, à ouvrir nos colonnes à des militants ayant peu à voir avec l’anarcho-syndicalisme, à remettre en question des certitudes syndicales ou pédagogiques...

Avez-vous une position dans la querelle républicain / pédagogues ?

Pour le dire de manière humoristique, notre devise pourrait être « ni réacpublicains ni pédabobos ». Cette opposition nous apparaît pour le moins factices, en tout cas elle masque la véritable ligne de fracture qui est celle de la prise en compte de la question sociale. Pour ces deux « camps » c’est justement une vision sociale qui fait défaut, pour notre part, nous voulons chercher à définir ce que pourrait être une « pédagogie socialement critique ». « Instruire pour révolter », le programme de Pelloutier nous semble plus que jamais d’actualité.


Pourquoi la question pédagogique n’est plus défendue par les syndicats de l’enseignement ?

Dan son livre L’école de Jules Ferry, un mythe qui a la vie dure Jean Foucambert précise que la question n’est pas entre « une école sans pédagogie et une école avec ». Tous les syndicats, tous les pouvoirs sont porteurs d’une pédagogie. Il se trouve que, excepté le courant syndicaliste révolutionnaire, l’Ecole émancipée devenue Émancipation en particulier, mais aussi le PAS, ou encore la CFDT des années 70 qui ont affirmé la nécessité de lier lutte pour une autre école et lutte pour une autre société, les autres syndicats ont fait le choix de ne pas remettre en question la société, et donc finalement s’accomodent des finalités de l’école actuelle. Demander plus de moyens, c’est aussi une façon d’être des gouttes d’huile dans les rouages du système et non des grains de sable. Cela demanderait à être développé. Au regard de la dégradation actuelle de l’école, nous sommes nous-mêmes de tous les combats pour exiger que l’éducation dispose des moyens pour remplir son rôle. Mais à la différence de nos « camarades » de lutte, nous essayons d’oeuvrer également, dans nos classes, pour construire autre chose, en rupture avec l’ordre dominant et le conservatisme ambiant. Bon, comme on n’a pas à aller à la pêche aux voix, ni à brosser les collègues dans le sens du poil, c’est finalement plus facile pour nous. En tout cas, une chose est sûr, il n’y a pas aujourd’hui une seule publication syndicale qui ressemble à ce que nous faisons avec N’Autre école. Mais pour compléter la question, nous pensons aussi qu’il faudrait s’interroger sur le pourquoi la question sociale n’est plus défendue par les mouvements pédagogiques...