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La note de vie scolaire

mardi 6 juillet 2010, par Greg

Par Elhem, CNT Éducation 75

« La veille de l’opinion » qu’exerce le ministère de l’Éducation nationale à l’égard de ses agents rétifs à la marche au pas cadencé, trouve son pendant à l’extérieur sous forme d’apologie des « réformes ». C’est le cas en ce qui concerne les évaluations. Ainsi, il faudrait croire que la note de vie scolaire, après plus de deux années d’application, est définitivement acceptée (cf. le supplément Le Monde-Éducation du mercredi 11 mars 2009). Il n’en est rien ! Ce texte le rappelle. Il doit d’ailleurs être mis en relation avec les diverses formes de refus des évaluations CM2-CE1 à l’école primaire mais plus généralement avec toutes les manifestations de déso­béissances civiles.

La note de vie scolaire est instituée depuis la rentrée 2006 dans les collèges. Elle fait l’objet d’une contestation mais le seul grief semble être celui de l’arbitraire (« la-note-à-la-tête-du-client »). Or ce risque est encouru par n’importe quelle notation : aucune ne pouvant éviter les biais qui s’introduisent forcément dans une telle procédure. La seule différence étant qu’ici, il s’agit de noter un comportement et non le résultat de l’acquisition d’un savoir lié à un enseignement disciplinaire. Les risques sont sans doute plus grands mais ce n’est qu’une différence de degré. De toute façon, le problème n’est certainement pas de chercher « en équipe » (eurêka !) la meilleure application des critères officiels en espérant que cette note puisse un jour devenir juste parce qu’enfin objective.

Tout simplement parce que le retour au zéro de conduite est une injustice. En effet, il constitue une triple peine. Or, en droit, on ne peut être jugé deux (ou trois !) fois pour le même acte délictueux. Une partie de la note sanctionne les absences d’une part et le respect du règlement intérieur d’autre part. Seulement, les absences font déjà l’objet d’un repérage et les infractions au règlement intérieur sont traitées dans le cadre ordinaire de la vie scolaire. Déjà, lors des conseils de classe le comportement, qui enfreint le règlement intérieur, est sanctionné une deuxième fois de manière officieuse par les « avertissements conduites ». En effet, dans la pratique des conseils de classe, ils participent à l’élaboration du « tableau d’honneur » de la classe. Comme si cela ne suffisait pas, le zéro de conduite sanctionne une troisième fois le même comportement. Par conséquent, c’est le principe même de cette note qui doit être interrogé. Il est impossible de faire comme si de rien n’était et de travailler comme un tâcheron pour donner une application locale à une injustice.

Les élèves en difficulté, très souvent issus de familles composant la population laborieuse, finissent par être sanctionnés pour des actes dont les causes ne dépendent pas exclusivement d’eux. Ces familles, méconnaissant les enjeux scolaires de par le fonctionnement de l’institution scolaire, leurs enfants auront tendance à croire qu’il suffit d’être sage pour réussir à l’école. Or, il n’y a rien de plus faux : c’est le rapport au savoir qui est déterminant en la matière. Injustice sociale cette fois !

Il faut aussi se rendre à l’évidence que la note de vie scolaire induit une relation pédagogique factice qui entre en contradiction avec l’objectif affiché : « l’apprentissage de la civilité et l’adoption de comportements civiques ». Cette note, conditionnant au même titre que les autres notes l’obtention du Brevet des collèges, laisse place aux petits calculs mesquins pour augmenter sa moyenne. On ne valorisera pas l’acte exemplaire, désintéressé, dénué d’arrière-pensée, mais l’acte qui rapporte le plus. L’adulte est tout autant impliqué dans ce jeu de dupe : la confiance mutuelle, tellement nécessaire à l’action éducative, ne peut alors exister. Absurdité que cette note !

Enfin, la finalité de ce dispositif est le maintien de l’ordre dans les établissements scolaire. C’est bien d’ailleurs la raison pour laquelle le Principal est, en dernière instance, responsable de la note. D’un point de vue éducatif c’est le retour illusoire (et régressif !) de la « pédagogie » du bâton et de la carotte. À savoir le retour à une conception scolaire où l’enfant est à dresser comme une plante sur son tuteur. Les normes sont rigides et ne peuvent laisser place à une maturation dans la durée. Le moindre écart ne saurait être toléré : il n’est qu’une déviance et doit être réprimé. Bref, tout le contraire d’un processus éducatif. Ce dispositif est en revanche très efficace pour certains hommes politiques qui n’hésitent pas à user de démagogie. L’effet recherché consiste en réalité à orienter l’attention sur la nécessité des mesures sécuritaires.
Cette note, c’est la répression plutôt que l’éducation. Pour toutes ces raisons, le boycott est d’actualité. ■